Le Sanitas, un espace dans le quartier Madeleine
Situé à l’extérieur des anciennes fortifications, le Sanitas est inclus dans le Clos Malvarenne. Sur ses 7 ha, des activités diverses se sont développées dès le Moyen-Âge. Avec les travaux réalisés pour le Relais orléanais et le projet de Parc Madeleine, ce secteur connaît une profonde transformation. Il nous a paru intéressant d’étudier l’histoire locale avant de proposer une étude du parc Anjorrant qui est intégré dans le projet de Parc Madeleine.
Le parc en projet couvre une superficie de 4 ha environ. Les achats fonciers faits par la mairie d’Orléans vont permettre d’intégrer le parc Peteau et le parc Anjorrant dans un espace qui offrira trois « ambiances » : un parc familial avec des jeux d’enfants, un espace boisé et un parc plus naturel. Il est prévu un aménagement de la rue du Sanitas pour ne pas rompre la continuité de l’espace vert.
Vous pourrez trouver un plan de l’ensemble en cliquant sur https://www.orleans-metropole.fr/actualites/detail/parc-urbain-madeleine
Le terme de Sanitas renvoie à l’existence possible, à la fin de la période médiévale, d’un hôpital destiné à la gestion des crises sanitaires liées à la peste.
Depuis le Moyen-Âge
« Un Hôtel Dieu, est édifié au début du 9ème siècle ; il est complété par trois Aumôneries d’origine religieuse et quatre Aumôneries destinées aux passants. Les aumôneries avaient une petite capacité d’accueil et se trouvaient dans divers lieux d’Orléans comme rue des Carmes, rue Bannier, à proximité du Cloître Saint Aignan et à l’extérieur des remparts avec la maladrerie sise rue du faubourg Bannier.
En août 1586, pour répondre aux besoins importants de soins des malades infectieux, 11 épidémies ont été recensées, les échevins orléanais achètent une grande maison pour y isoler les malades contagieux atteints ou suspectés de peste ou de lèpre. C’est ainsi que sera créé à la fin du 16ème siècle le Petit Sanitas accueillant les personnes atteintes de ce fléau.
En 1587, un terrain est acheté à proximité pour y installer un cimetière.
Situé au n° 5 rue Antoine Petit, le Petit Sanitas, trop exigu, est vite abandonné et de nouveaux bâtiments sont édifiés de 1625 à 1632, au sud du faubourg Madeleine. Ils comprennent un hospice et une chapelle qui seront appeléshôpital Saint-Louis puis Grand Sanitas.
En 1632, l’hôpital rénové deviendra un dépôt de mendicité, « il servira ainsi de lieu d’enfermement, initialement pour les mendiants et vagabonds, puis pour les aliénés ». (Source :APHO)
Au 18ème siècle
Jusqu’alors à vocation fortement agricole, les alentours de la rue du Faubourg Madeleine se transforment en un quartier industriel au cours du 18ème siècle.
Dès la fin du XVIIIe s., les locaux du Grand Sanitas sont transformés. À cette époque, seule la parcelle contenant les bâtiments de l’ancien hôpital est bâtie. Le reste, à l’est et au sud, consiste en des bois, vignes ou jardins.
Pendant la période révolutionnaire, l’usage des lieux se transforme : une prison y sera aménagée par exemple. En 1794, Mollière, officier municipal et révolutionnaire, loue les bâtiments et les terrains attenants pour y installer une fabrique d’armes. Peu après Mollière y déménage sa faïencerie à côté de la manufacture d’armes et y adjoint une porcelainerie. La marque laissée sur les pièces avant cuisson est un «M» majuscule tracé à la pointe ou un «MB Orléans» valant pour les deux initiales de Mollière-Bardin. »
Au 19ème siècle
À partir de 1804, la famille Machard-Grammont s’installe sur le site et y développe la fabrication de céramiques et de poteries. Les familles Machard-Grammont-Dubois et Musson s’illustrèrent dans ces productions de 1809 à 1872 en exploitant notamment des argiles plastiques qu’ils extrayaient sur place.
C’est en 1809 que Jacques-François Machard-Grammont achète la propriété du Sanitas. L’entreprise fabrique des céramiques rustiques à usage domestique dont le fond est empreint d’une glaçure marron foncé ce qui donnera le nom de « cul brun » aux réalisations.
D’autres renseignements sur ces poteries sont accessibles sur le site du musée de la céramique de Sèvres où sont exposées des pièces de céramique Machard Grammont.
Parallèlement à cette production se développe la fabrication de « formes à sucre » sorte de cônes en terre vernissée utilisé par les raffineurs de sucre orléanais. Des « formes à sucre » sont visibles au Musée de la marine de Châteauneuf-sur-Loire. Rappelons que sur le site actuel du Baron, il existait une raffinerie de sucre. Créée par la famille Tassin dans le dernier quart du 18ème siècle, elle resta en activité jusqu’en 1820.
La production de faïence cessera dans les années 1850 et les fours s’éteignent définitivement en 1876.
En 1860 l’institut du bon Pasteur s’installe dans l’ancien hôpital Saint Louis. L’institut a été créé en 1827 par Mère Marie-Antoinette Anjorrant (1797 Bourges – 1873 Orléans). D’autres informations dans le livre « Mère Anjorrant et son œuvre » de l’abbé René Fageray (1927).
L’institution du « bon pasteur noir », nommé ainsi en raison de la couleur des habits des religieuses, se chargeait d’accueillir des enfants et des adolescentes âgées de 4 à 21 ans placés par leurs familles ou l’assistance publique.
Extrait de la République du centre :
« Orphelines, ayant subi l'inceste, à forte personnalité, filles mères, ou filles ayant commis de petits délits. Qu'elles soient considérées comme dangereuses ou en danger, toutes sont enfermées au même endroit. (…)
Longtemps, ces années d'enfermement ont été taboues, chez les anciennes pensionnaires. Mélange de pudeur et de honte, d'avoir été « redressées » par les soeurs. Brisées, disent certaines.
Le jour de leur arrivée, elles changent de prénom, enfilent un uniforme et abandonnent tout le reste. « Une robe bleu marine avec deux plis plats devant et une ceinture que l'on attache par-derrière. Une chemise et une culotte, pas de soutien-gorge », raconte Yvette, de l'Institution Anjorrant.
Couture et blanchisserie
Les filles vivent recluses, la journée est réglée : silence, travail, prière. Des lits alignés, des douches sans rideau. Elles grandissent en vase clos. Rares sont celles qui sont scolarisées au-delà de 14 ans, toutes sont formées à la couture, broderie, lingerie, blanchisserie, repassage. La base américaine de Bricy est bonne cliente. Les filles y fêtent Noël, aussi. Les militaires distribuent bonbons et jouets.
Certaines ne ressortent qu'à leur majorité, avec un faible pécule, et dans le meilleur des cas, une place « de bonniche ». Pour les autres, c'était le trottoir ou les ordres », lâche Michelle-Marie, pensionnaire de 1959 à 1960. Une dizaine d'années plus tard, les structures laïques et les jeunes éducatrices de l'Éducation surveillée succèdent aux religieuses.
La République du centre 28 janvier 2014 – Aurore Malval
Le site est acheté par la mairie d’Orléans en 1998. Elle y aménage le parc Anjorrant ouvert au public pendant la journée. Le parc est restructuré en 2003/2004.
La croix d’allée est soulignée par un alignement de charmes et réhaussée par une gloriette. Une aire de jeux d’enfants avec un toboggan est également aménagée dans une « clairière » située près de la gloriette. Le toboggan se trouve maintenant dans le parc Peteau
Après 1945
La seconde guerre mondiale a entraîné une crise du logement qui perdure jusque dans les années 60. A Orléans plusieurs cités d’urgence seront construites dont celle du Sanitas. On connaît aussi la Cité d’urgence des Groues dont une exposition récente a permis de montrer des photographies. D’autres informations sont consultables sur les sites ci-dessous
https://www.larep.fr/orleans-45000/actualites/la-memoire-des-groues_14129224/
En 1954, une série de drames pousse l’Abbé Pierre à se faire entendre auprès des politiques : c’est l’appel de l’Abbé Pierre du 1er Février.
"Mes amis, au secours... Une femme vient de mourir gelée, cette nuit à trois heures, sur le trottoir du boulevard Sébastopol, serrant sur elle le papier par lequel, avant-hier, on l'avait expulsée...
Chaque nuit, ils sont plus de deux mille recroquevillés sous le gel, sans toit, sans pain, plus d'un presque nu. Devant tant d'horreur, les cités d'urgence, ce n'est même plus assez urgent ! »
Appel de l’Abbé Pierre du 1er Février 1954
Source : Fondation Abbé Pierre
La Cité du Sanitas comptera 18 logements mais, devenue insalubre, elle sera rasée comme la majorité de ses consœurs à travers la France. Une baraque témoin est construite à Ploemeur près de Lorient pour témoigner des conditions de vie dans ces cités d’urgence.
Il existe actuellement deux espaces verts sur le « secteur » du Sanitas : le parc Peteau aménagé récemment et le parc Anjorrant. Les deux espaces ont des usages différents car le parc Anjorrant a conservé les caractéristiques d’un espace naturel avec une ambiance de sous-bois.
Nos associations se sont intéressées au projet de grand parc pour deux raisons : conserver des espaces verts dans la ville et créer un secteur où la présence de la nature sera encouragée. Le parc pourra ainsi s’intégrer dans un corridor écologique partant de la Loire pour aller vers la forêt d’Orléans présente aux portes de la ville (parc de Charbonnière).
Dans un futur article, nous vous présenterons le parc Anjorrant pour vous faciliter l’observation de la nature en ville.
Rédaction Jean-Louis Charleux et Jean-Albert Misseri
10 août 2022